« Le bug humain » : Mourir ou renaitre ?

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Le bug humain. S. Bohler.

Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher. Editions Robert Laffont. 2019

 

Un paradoxe : notre cerveau, organe de notre survie, pourrait aussi nous conduire à notre mort !

Homo Sapiens s’est beaucoup développé au fil des nombreuses années et il a réussi des prouesses technologiques grâce à son cerveau. Cet organe hors du commun a mis des centaines de milliers d’années à se perfectionner.

Mais ce cerveau a une face sombre qui nous a permis de survivre mais qui constitue aujourd’hui une menace. Nous sur-exploitons des ressources dans un milieu limité et nous consommons plus que ce que la nature nous offre !

L’épuisement des ressources et la modification du climat menacent l’homme moderne. Nous assistons à la dégradation des éco systèmes, à l’élévation du niveau des mers… Or, nous ne réagissons pas aux préparatifs de notre propre enterrement. Pourquoi ?

Notre cerveau a 5 motivations secrètes :

Depuis tous les cerveaux qui ont précédé le nôtre jusqu’à nous, ses motivations sont : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d’efforts et glaner un maximum d’informations sur son environnement.

Ces motivations appartiennent à une structure nerveuse dans le cerveau, appelée striatum.

Le principe : lorsqu’un comportement se traduit par de meilleures chances de survie ou de transmission des gènes, qu’il s’agisse de recherche de nourriture, de partenaires sexuels, de statut social ou d’exploration de nouveaux territoires, le striatum est inondé de dopamine et le comportement en question est renforcé.

Aujourd’hui, en élaborant des technologies de plus en plus sophistiquées, notre cortex est capable de procurer au striatum presque tout ce qu’il désire, parfois sans effort. Le problème, c’est que le striatum ne demande que cela !

Le striatum en demande toujours plus, bien au-delà de la réponse à un besoin biologique comme la faim. Notons ici que nos ancêtres, lorsqu’ils avaient une proie, n’en laissaient pas une miette car leur survie en dépendait. Aujourd’hui, le striatum est devenu le carburant de notre économie de croissance et le cortex humain a créé des inventions technologiques capables de modifier en profondeur son rapport à la nature.

Dans l’histoire, il y a eu Descartes qui prônait que l’homme devienne maître de la nature, puis la révolution technologique, puis l’industrie agro-alimentaire, puis la biotechnologie, avec comme résultat une surproduction et sur consommation des humains.

Actuellement, nos gênes sont devenus nos pires ennemis :

Dans notre cerveau, la stimulation du noyau accumbens (partie du striatum) déclenche une grande quantité de dopamine, qui entretient le circuit de la récompense. C’est comme cela qu’agissent les drogues, la nicotine et l’alimentation compulsive. En laboratoire, l’on sait que si l’on active le même noyau accumbens à l’aide de fines électrodes, cela décuple les performances sexuelles. Les comportements activateurs du système de récompense sont aussi un système d’incitation. L’on peut citer l’industrie du sexe avec le succès des vidéos pornos où l’on peut se gaver d’images incitatives sans qu’aucune fonction « stop » n’intervienne.

Le rang social est très important pour notre cerveau ancestral :

Au cours de l’histoire, le système de survie impliquait des individus dominants pour influencer les autres. Il y a une affinité puissante du cerveau pour tout ce qui se passe en termes de hiérarchie et de comparaison sociale au sein d’un groupe. Cette dernière est un ressort puissant de nos comportements pour avoir plus que l’autre !

L’envie de dominer donne un avantage reproductif. Chez les animaux, le mâle dominant s’impose pour transmettre ses gènes. Chez les humains, un homme influent va abuser de sa situation, de son pouvoir et de son prestige pour s’octroyer des faveurs sexuelles. Notre cerveau est construit pour dominer et pour avoir plus que les autres ! Cela procure des décharges de dopamine et du plaisir à notre striatum.  Il y a du positif à cela : c’est un moteur d’élévation pour construire un empire ou une symphonie ! Le négatif est que l’on est prêt à sacrifier nos ressources pour nous sentir dominant.

 Plus le statut social d’un individu est élevé, plus son cerveau contient des récepteurs de dopamine. La publicité utilise la comparaison sociale pour avoir plus que son voisin. Mais comme nos désirs sont insatiables, nous sommes maintenant piégés dans le « toujours plus ! ».

Aujourd’hui, le consumérisme à outrance bat son plein et le plaisir immédiat prime sur le risque de destruction de la planète.

Le striatum fonctionne selon la loi du moindre effort.

Ce qui compte, c’est le rapport effort/bénéfice, qui est la règle de la survie. Toute technologie œuvrant dans le sens du ménagement de nos efforts, est bien accueillie. Les robots et l’intelligence artificielle se développent, allant dans le sens du moindre effort.

Les réseaux sociaux fabriquent du statut social virtuel. L’estime de soi s’accroit alors et le striatum produit beaucoup de dopamine. Même si la contrepartie en est le risque d’addiction et l’exploitation de la vulnérabilité de la psyché humaine !

Pour le cerveau humain, deux besoins sont donc comblés ainsi : ne rien faire et se sentir important.  L’homme moderne est aussi devenu surinformé. Et il a inventé les jeux de hasard où il y a ce moment d’incertitude totale où l’on ne sait pas si l’on va gagner ou si l’on va perdre et qui fait sécréter des flots de dopamine.

L’on observe le même phénomène avec les jeux vidéo qui apportent un bonus imprévisible et répondent au besoin de statut social.

Aujourd’hui, nous assistons à un vrai paradoxe où c’est notre cortex qui nous a permis de créer une technologie très performante mais où c’est notre striatum qui en détient les rênes avec ses buts simples et limités !!

Pourquoi le bug ? Le climat se réchauffe, nous menace et nous continuons à développer nos technologies !!

La croissance est devenue le seul dogme car au cœur de notre constitution neuronale, il y a la recherche de nouveauté et d’intensité. C’est le règne du « toujours plus ! » Idem pour le statut social. Nos neurones dopaminergiques conditionnent une croissance perpétuelle. Or, actuellement, le spectre de la destruction de l’environnement nous frappe de plein fouet.

Nous sommes prisonniers du présent : le plaisir immédiat a beaucoup plus de poids que la considération d’un avenir lointain. Pour le cerveau humain, le présent est roi. Nous avons une notion de dévalorisation temporelle : il est difficile de trouver de l’intérêt à ce qui se situe dans un futur lointain. Pour le striatum, le futur ne compte pas. Il applique des règles de survie : priorité au présent et aux récompenses immédiates car l’avenir est incertain !!

Le cortex, lui, fonctionne différemment. C’est le siège de la volonté et de la planification. Ces comportements qui découlent d’un apprentissage ont un impact sur les connexions neuronales en créant une exigence, une conscience et de la persévérance.

Le striatum a un vécu de plusieurs millions d’années et il est toujours très impatient : il désire tout, tout de suite. Et le cortex, avec tout ce qu’il a inventé, peut enfin satisfaire le striatum.

Nous avons perdu la fonction physiologique qui permet de renoncer à quelque chose maintenant, au profit d’autre chose plus tard. Nous avons perdu nos capacités d’attente. Cela fait le succès du fast Food, alors qu’il est dommageable pour notre santé. Le profit immédiat passe avant un projet futur. Et c’est encore plus fort dans la jeune génération née dans les années 2000.

L’homme est devenu un danger mortel pour lui-même. Comment en sortir ?

Les grands renforceurs primaires s’apparentent aux pêchers capitaux des religions. Nous avons édicté des interdits moraux afin que nous soyons moins soumis au striatum. Cela n’a pas trop fonctionné car le cortex prend ses ordres du striatum.

Alors, quelles options avons-nous ? Deux s’offrent à nous : prendre le striatum à son propre jeu ou faire appel à la conscience. Pour le premier cas, l’on s’est aperçus que l’altruisme et le partage mobilisaient les circuits de la récompense et du plaisir.

Notre striatum bénéficie d’une plasticité : il peut bénéficier de conditionnements positifs comme l’approbation sociale par exemple. L’on peut créer des héros et les valoriser selon leur comportement positif sur la planète. Alors qu’actuellement, les droits de l’homme ressemblent davantage au droit pour chaque individu d’assouvir ses renforceurs primaires.

Quel est le sens de la vie ? Que faire de notre liberté individuelle dans une l’existence brève et vouée au néant ?

Nous avons trois réactions possibles :

            L’identification à des groupes d’appartenance pour que nos valeurs nous survivent. Ex : le nationalisme. Actuellement, il y a une prolifération des groupes identitaires.

            Penser à autre chose, ce qui est un déni. Passer du temps sur les différents écrans en constitue un excellent moyen.

            Chercher à se percevoir plus fort et plus résistant que ce que l’on est : amplification du soi à travers l’obsession de la santé et la recherche pathologique d’estime de soi (les like de FB).

Nous assistons à un dévoiement du concept de liberté avec la possibilité pour chacun de satisfaire ses besoins pulsionnels. Le prix en est l’acceptation de livrer quantité d’informations sur notre vie privée. En suivant les programmes biologiques profonds de notre cerveau reptilien, nous sommes tombés en esclavage !

Comment fabriquer plus de plaisir avec moins de stimulations ?

Et bien, « faire plus avec moins » est possible grâce à la puissance de la conscience. La Méditation de pleine conscience nous enseigne que si nous prenons le temps d’expérimenter pleinement la dégustation d’un grain de raisin avec nos cinq sens, cela change tout !

 Le but est de rajouter un peu de conscience dans tous nos actes du quotidien.

Par le pouvoir de notre esprit (= pouvoir des neurones), nous pouvons développer un aspect du monde physique.

Manger moins mais en prenant le soin de percevoir intensément ce que nous absorbons, dupe notre striatum ! Cela donne de bons résultats avec les différentes addictions et l’on peut retrouver le sentiment de satiété.

Ainsi, la méditation de pleine conscience permet de nous affranchir de nos automatismes. Elle réduit la dévalorisation temporelle et redonne une meilleure conscience de l’avenir.

Au final, l’enjeu de la conscience est central :

Il s’avère que la plupart de nos actes sont entrepris avec un très faible niveau de conscience. Le paradoxe est que l’être humain a un haut niveau d’intelligence mais un faible niveau de conscience. La différence est essentielle. Le prochain enjeu est d’amener notre degré de conscience à un niveau comparable à celui de notre intelligence. L’enjeu est de taille car de plus en plus de nos fantasmes dans tous les domaines deviennent réalité grâce à notre technologie moderne !! Nous sommes confrontés à la demande insatiable de nos neurones dopaminergiques face à l’épuisement de la planète !

Pour aller vers plus de conscience, nous avons peut-être besoin d’une étape intermédiaire qui serait celle de la connaissance, qui nourrit aussi notre striatum ! Il peut y avoir des récompenses cognitives ! Quelles chances a la connaissance de s’imposer comme une valeur centrale de nos sociétés ? Pour y arriver, le striatum a besoin d’un allié : la norme sociale.

Ce serait donc à la société toute entière de promouvoir la connaissance ! A suivre…